La résistance étonnante des coccolithophoridés à l’acidification des océans

Publié par Licence 3 Plurisciences Aix Marseille Université, le 2 mai 2018   6.5k

Des coccolithophoridés, un groupe d'espèces d'algues unicellulaires, possédant un squelette très calcaire, se sont adaptés à un milieu de vie plus acide que le reste des océans. Cependant, d’après les prévisions des chercheurs sur les conséquences de l’acidification des océans, une eau plus acide devrait dissoudre ce calcaire et impacter leur développement.

 

En 2011, une étude internationale impliquant notamment des chercheurs du CNRS a permis d'observer dans les zones côtières au large du Chili, dans les eaux où le pH est le plus faible au monde (pH de 7,6 à 7,9), des coccolithes (micro-squelettes calcaires des coccolithophoridés) très calcifiés. Les analyses génétiques faites en Bretagne montrent que les souches de coccolithophores du Chili, sont différentes de celles observées dans le reste des océans. On peut en conclure que des coccolithes ont réussi à s'adapter naturellement à un environnement plus acide, corrosif pour leur structure calcaire, défavorable, a priori, à leur développement.

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Cinq coccolithophoridés vus au microscope électronique à balayage montrant les différences de calcification existant au sein de la même espèce ici Emiliania huxleyi. © Luc Beaufort CNRS/CEREGE

En effet, cette diminution de pH combinée à la diminution des carbonates pose normalement problème aux organismes marins calcifiants, ayant la capacité de produire des coquilles ou des squelettes (foraminifères, ptéropodes, oursins, coraux, crabes, plancton, ...). En effet, de nombreux organismes marins fabriquent le carbonate de calcium sous la forme de calcite ou d’aragonite, des formes de calcaire. La stabilité de ces structures calcifiantes est directement reliée à l’état de saturation (limite de dissolution) des océans en ions calcium et carbonate.  

Par exemple les Ptéropodes (mollusques planctoniques présents dans la couche supérieure de l’océan) sont en danger car leur coquille est en aragonite.

Comparaison entre des ptéropodes exposés à différentes concentrations de CO2



http://www.pmel.noaa.gov/co2

Le phénomène observé au Chili a beaucoup d'intérêt car cette zone peut être une simulation de l’avenir de nos océans d’ici quelques décennies.. En effet, à cause de l’activité anthropique, une trop grande quantité de dioxyde de carbone atmosphérique est absorbé par l’océan, augmentant la température des eaux de surfaces. Il s’en suit une augmentation des ions hydrogène dans l’océan à l’origine de la diminution du pH océanique.  En effet, dans la parution Acidification des océans : Les oursins mieux armés que prévu de 2014 des chercheurs du CNRS de Paris, Bruno David et Marie Collard affirment : “ le pH moyen des océans est passé de 8,16 au début du 19e siècle à 8,05 aujourd’hui”. La diminution observée de 0,1 unité pH depuis le début de l’ère industrielle (années 1800) correspond à une augmentation d’environ 26 % de l’acidité des océans.

Plus étonnant encore : en 2015, une équipe de chercheurs américains a publié une étude dans la revue Science qui révèle que les coccolithophores sont de plus en plus nombreux lorsque la température et le CO2 s’élèvent. Pour montrer cela, les chercheurs ont utilisé les données du Continuous Plankton Recorder (CPR), système de collecte du plancton installé depuis 1965 sur certains cargos sillonnant le Nord de l’Atlantique. Entre 1965 et 2010, la fréquence à laquelle les coccolithophores y sont retrouvés, est passée d’environ 1% à plus de 20%.

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Mise en place d’un CPR dans l’océan



http://www.gulfwatchalaska.org... 

Des recherches sur ce phénomène d’adaptation sont encore en cours aujourd’hui. Affaire à suivre…

L'acidification des océans est actuellement très rapide par rapport au passé géologique. Une adaptation reste donc surprenante surtout quand elle a lieu chez un organisme qui devrait être très impacté.

 

La chute de la biodiversité liée aux perturbations anthropiques est un fait. De plus, si l’on prend en considération le fait que nous n’avons pas encore toutes les informations au sujet du phénomène d’adaptation, le principe de précaution est de rigueur. Cependant, nous pouvons tout de même nous demander si  d’autres espèces arriveront à s’adapter sur ce modèle.

 

STRAPPAZZON Zoé & SERER Alison


Bibliographie :