Conférence/Débat

Le christianisme tardo-antique dans l'Empire romain, de Constantin à l'émergence de l'islam (IVe-VIIe s.)

Légalisé par le soi-disant édit de Milan, favorisé par Constantin, le christianisme est promu au rang de religion de référence dans l'Empire romain à l'initiative de Théodose Ier (379-395). Dès lors, l'appareil d'État et l'institution ecclésiale sont conviés à œuvrer de concert pour promouvoir l'action de gouvernement et s'attirer les faveurs divines, afin de hâter le retour du Christ sur terre (seconde Parousie). Dans la partie orientale, la seule à demeurer romaine à la fin du Ve s., le critère d'orthodoxie, censé conforter l'agrément divin à l'égard du Basileus et garantir la crédibilité de l'Église, étend alors son emprise jusqu'à former le fondement d'un modèle sociétal global, correspondant au projet de gouvernement de la theopolis. Outre l'énoncé du dogme trinitaire et christologique, il concerne en effet les structures ecclésiastiques, la nature des pouvoirs et le champ réciproque de leur application, la régulation de l'élan monastique ainsi que la production d'une culture nouvelle, de plus en plus détachée des références païennes. Culminant sous le règne de Justinien (527-565), la recherche d'une civilisation orthodoxe s'élabore dans les tensions et les difficultés, qui affectent en premier lieu le domaine de la doctrine. Dramatisé par un tel enjeu, l'affrontement entre nestoriens, chalcédoniens et miaphysites contribue ainsi à la cristallisation d'identités (byzantine, syriaque, copte sans même évoquer les nations chrétiennes situées aux marges de l'Empire) qui revendiquent toutes leur orthodoxie. Or, ces appartenances s'avèrent tout à la fois remarquablement durables et difficilement îconciliables : de plus en plus isolées les unes des autres à la suite de la conquête arabo-musulmane (à partir du second tiers du VIIe s.), elles sont à l'origine de la riche et complexe diversité des christianismes orientaux d'aujourd'hui.

par Philippe BLAUDEAU, Agrégé d'histoire et ancien membre de l'École française de Rome, membre senior de l'Institut Universitaire de France et professeur d'histoire romaine à l'Université d'Angers